Mae Salaep : Gestion des ressources dans un petit bassin-versant montagnard dans le nord de la Thaïlande

Quels assolements culturaux pour limiter les risques d’érosion ? Quelles règles de crédit pour des plantations accessibles à tous ? Quelle gestion de l’eau pour un accès plus équitable à l’irrigation ?

Date de création

01/01/2003

Objectifs

(i) Interaction entre la diversification des cultures sur pentes et le risque d'érosion des terres;

(ii) Interactions entre les dynamiques de crédit, le travail hors exploitation et l'investissement dans de nouvelles cultures pérennes (thé, lychee);

 (iii) Gestion de l'eau dans un contexte d'extension des cultures irriguées et de renforcement de l'administration locale.

Territoire

Hautes terres du Nord de la Thaïlande, province de Chiang Raï

Description

Dans les hautes terres du Nord de la Thaïlande, les conflits relatifs à la gestion des ressources renouvelables sont de plus en plus fréquents. Les minorités ethniques peuplant ces hautes terres sont notamment accusées par les autorités et les habitants des basses terres (lesquels appartiennent à la majorité thaïe) d'avoir des pratiques agricoles augmentant les risques d'érosion par ruissellement sur les sols en pente. N'ayant jusqu'à présent pas eu leur mot à dire dans la résolution de ces conflits, les communautés montagnardes sont menacées de voir leurs terres confisquées par le gouvernement dans le cadre de programmes de reforestation, ce qui les pousserait à migrer. Les politiques de décentralisation en cours depuis une quinzaine d'années prônant une plus grande participation des citoyens à la gestion des ressources et de l'environnement représentent donc une importante opportunité pour ces communautés. Mais les situations locales sont complexes, d'une part à cause de la nature même des systèmes agraires locaux dont l'évolution est soumise à de nombreuses dynamiques agro-écologiques et socio-économiques, et d'autre part du fait de la diversité des parties prenantes impliquées dans la gestion locale des ressources. Il est nécessaire de développer des méthodes adaptées pour une faciliter une gestion concertée et durable des ressources dans ces systèmes complexes. C'est dans ce contexte qu'a démarré en 2002 une expérience ComMod dans la communauté Akha de Mae Salaep.

L'originalité de cette expérience repose sur l'évolution des questions soulevées au long du processus ComMod et l'adaptation progressive des outils proposés aux évolutions du contexte et des préoccupations des participants. Trois cycles ComMod furent ainsi mis en œuvre entre 2002 et 2005. La question initialement posée fut la suivante : Quelles sont les interactions entre le risque de dégradation des terres et la diversification agricole en cours et comment réduire ce risque à l'avenir (cf. fiche JdR ) ? Au cours de ce premier cycle, les participants villageois identifièrent les cultures pérennes comme une solution prometteuse limitant l'érosion des sols tout en leur assurant des revenus stables. Ils soulignèrent cependant que ces cultures pérennes n'étaient pas accessibles aux petits agriculteurs et demandèrent d'aborder lors du cycle suivant la question suivante : Comment dépasser les contraintes socio-économiques à l'adoption des cultures pérennes, notamment en modifiant les règles d'allocation du crédit rural (cf. fiche JdR ) ? Enfin, comme les plus rentables de ces cultures pérennes nécessitent de l'eau d'irrigation, leur expansion dans le bassin versant généra des tensions concernant l'accès à cette ressource au sein du village. Sur la demande des participants, la question posée lors du troisième cycle fut donc la suivante : Est-il possible de dégager un accord collectif pour un accès plus équitable à l'eau pour l'irrigation des plantations au niveau du sous-bassin versant  villageois (cf. fiche JdR ) ?

Avant le début du processus ComMod, Mae Salaep avait fait l'objet de plusieurs années de travaux de terrains sur la situation agraire et les risques d'érosion des sols en pente. Un premier modèle SMA d'intégration de ces connaissances à valider avec les agriculteurs fut la porte d'entrée de Commod sur ce site.

Par la suite, les grandes étapes de chacun des 3 cycles furent sensiblement les mêmes :

  1.  Analyse des données secondaires et enquêtes de terrain sur la question traitée ;
  2.  Modélisation conceptuelle des dynamiques observées (modification du modèle existant à partir du 2 ème cycle): le même modèle conceptuel est décliné sous trois formes : des diagrammes UML, un jeu de rôle, et un modèle SMA ;
  3.  Atelier participatif sur plusieurs jours en 3 étapes : Session de jeux de rôles et discussions collectives pour valider socialement le modèle proposé et stimuler les échanges entre les participants sur le problème soulevé ; Interviews individuelles des participants (pour évaluer le jeu et mieux comprendre les comportements observés) ; Simulations participatives pour explorer et évaluer collectivement des scénarios pour le futur.
  4.  Suivi-évaluation des impacts (pour le 3è cycle).

La démarche a permis aux chercheurs de valider et d’enrichir leur compréhension du système agraire local et de mieux comprendre les mécanismes locaux des prises de décisions collectives, notamment grâce au jeu de rôle qui agit comme un révélateur des comportements tacites. En ce qui concerne les participants, à chaque cycle, la démarche ComMod a stimulé un processus d’apprentissage collectif et de négociation : (i) prise de conscience de l'existence d'un problème et de la nécessité de le résoudre collectivement, (ii) meilleure compréhension des situations des autres et de leur perception du problème, (iii) identification collective et négociation de solutions possibles par l’exploration de scénarios.

Une attention particulière portée aux relations de pouvoir dans cette expérience a confirmé l’importance de prendre en compte ces dernières pour éviter que la démarche ne se solde par un creusement des inégalités sociales.

La principale limite de cette expérience est le manque d’implication d’institutions à un niveau d’organisation supérieur qui auraient permis d’en renforcer les impacts.

Le code informatique des modèles développés à partir de la plateforme de simulation multi-agent Cormas pour cette étude de cas est téléchargeable ici .

Commanditaires

Center for Agricultural Resource System Research (CARSR), Faculté d'agriculture, Université de Chiang Maï, Nord de la Thaïlande

Equipe

  • G. Trébuil, F. Bousquet (Cirad Green & CU-CIRAD ComMod project)
  • C. Barnaud (Paris X Nanterre & Cirad Green)
  • B. Ekasinh, P. et T. Promburom (Université de Chiang Mai)