Neié Na

Date de mise à jour : 21 juin 2017

Mot païci utilisé pour désigner le marché et qui signifie « ce que l’on donne ».

S. Bouard, P. D’Aquino

Motivation de la création

Le jeu de rôles a été créé pour mieux comprendre la construction des stratégies de commercialisation ou de non-commercialisation des agriculteurs sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie, en lien avec les différentes utilisations possibles d’un produit agricole entre la consommation, le don et la vente.

Description et spécificités

Le jeu de rôles porte sur les diverses utilisations des ignames. Le choix du produit s’est orienté sur l’igname par rapport aux taros et aux bananes parce qu’il a la plus grande valeur symbolique et reste le produit le moins commercialisé. En effet, il est au centre de la vie des mélanésiens : il est omniprésent dans l’alimentation quotidienne, il est à la base des échanges coutumiers ; et fait encore l’objet aujourd’hui de nombreux tabous et règles d’utilisation. Les problèmes de commercialisation de l’igname sont apparus comme symptomatiques de l’intégration de la société mélanésienne dans une économie marchande. Nous aurions pu jouer sur un autre produit comme les agrumes ou les taros mais de par leur pouvoir symbolique moins fort nous aurions perdu la dualité entre culture et développement économique au coeur de la problématique du développement de la société kanak.
Les ateliers se déroulent en deux temps : les joueurs commencent par la construction collective des règles du jeu c’est-à-dire définir les différents lieux de vente fréquentés par les producteurs des tribus, les prix pratiqués, les qualités d’ignames amenées. Chaque lieu de vente est spatialisé par un manou (étoffe de couleur utilisée pour les coutumes) et une affiche sur laquelle est précisé : la quantité maximum d’igname qui peut être vendue, le coût de transport depuis la tribu, les prix, les qualités, les probabilités de vendre ou pas selon le lieu. Ainsi chaque tribu a pu très librement définir et construire la réalité dans laquelle la simulation allait être jouée.
Ensuite, chaque acteur joue un agriculteur qui dispose d’un champ avec une quantité d’igname définie (10 kg d’igname sont matérialisés par une allumettes) et une famille à nourrir. La simulation se déroule sur un an depuis la récolte de l’igname (au mois d’avril) jusqu’à la préparation de la parcelle de l’année suivante en septembre. Le pas de temps est de deux mois. Pour suivre la consommation et les dons chaque joueur dispose d’un petit pot appelé « marmite » pour les ignames autoconsommées et d’un pot coutume pour les ignames données.
Le but du jeu est de faire vivre sa famille et d’assurer les cérémonies coutumières où l’igname tient la place centrale. Chacun construit sa stratégie entre vendre sur les différents marchés, vendre à la coopérative, ne pas vendre, autoconsommer, donner beaucoup ou peu aux cérémonies coutumières.

Mise en oeuvre

Les ateliers ont été réalisés auprès de 3 tribus situées dans des vallées éloignées des centres de commercialisation. Les sessions ont mobilisé 7 à 8 personnes à chaque fois invitées personnellement par courrier. Lors des deux premiers ateliers, nous avons fait jouer chaque agriculteur individuellement et pour le dernier, des équipes ont été constituées. Cela a permis de faciliter les concertations et surtout d’expliciter les stratégies de chaque joueur.
Les résultats de l’expérimentation, et en particulier la souplesse dont les joueurs ont fait preuve dans leurs pratiques de la commercialisation, nous laisse à penser que l’ouverture de nouvelles parcelles risque d’augmenter la coexistence de différentes formes de commercialisation au sein d’une même unité familiale. Le jeu a aussi été expérimenté auprès des élèves du BTS Darc (Développement agricole des régions chaudes) au lycée agricole de Pouembout afin de sensibiliser aux outils participatifs.

Voir aussi

Références :
Bensa A, Freyss J. La société kanak est-elle soluble dans l’argent… ? .Terrain.1994 ; 23
Tyuienon R. L’igname et l’argent : combinaisons et incompatibilité entre deux modèles économiques antagonistes. Paris : Paris III Collège Coopératif, 2003, 170 p. (maîtrise en sciences sociales).

Date de mise à jour : 21 juin 2017