Radi : Médiation d’un conflit d’usage de pâturages d’altitude entre éleveurs sédentaires et migrants, à l'Est du Bhoutan

Comment atténuer un conflit ouvert entre deux communautés d’éleveurs exploitant saisonnièrement une zone de pâturage d’altitude très dégradée ?

Date de création

23/11/2009

Territoire

Pâturages de la Sheytimi dans le district de Trashigang à l’Est du Bouthan

Description

Depuis de nombreuses années, les éleveurs tibétains de Mérak descendent l’hiver avec leurs troupeaux de yacks et de zomos sur les pâturages de la Sheytimi dont les droits d’accès se sont complexifiés au fil des dernières décennies. De leur côté, les Radhips, éleveurs sédentaires de Radi, souhaitent également faire monter leurs bovins sur une partie de ces herbages durant le cycle rizicole estival de saison des pluies. Cette double exploitation a conduit à une importante dégradation du potentiel fourrager de la Sheytimi, à des escarmouches répétées, parfois violentes, entre les deux communautés, et à des phénomènes d’érosion des terres spectaculaires mettant en péril les rizières en terrasses sculptant les pentes en contrebas dans ce « bol de riz » du district oriental de Trashigang (cf. photo ci-contre). Les plus hautes autorités du pays ayant demandé aux services du gouvernement de trouver une solution à ce conflit d’usage aux effets destructeurs, après plusieurs projets peu fructueux et suite à l’expérience pionnière de Lingmuteychu , un atelier de modélisation participative avec les principaux acteurs du conflit, adossé à une formation à la démarche ComMod, fut organisé sur ce site au début de l’année 2006.

Le déroulement de ce premier temps fort est résumé ci-dessous :

  1.  Première semaine : organisation d’une formation à la démarche ComMod et plus particulièrement à l’outil jeu de rôles au « Natural Resources Training Institute » (NRTI) de Lobeysa. Le conflit d’usage des pâturages de la Sheytimi fut largement utilisé au fil de cette formation, afin d’aboutir en fin de semaine à la proposition d’un jeu de rôles devant être utilisé sur le terrain avec les acteurs en conflit par 5 des stagiaires et le leader de l’équipe de recherche locale durant la semaine suivante.
  2.  Seconde semaine : (i) deux premiers jours : discussions entre les chercheurs et les parties en conflit afin de préparer l’atelier proprement dit ; (ii) premier jour de l’atelier : session de jeu avec deux sous-groupes de Rhadips le matin en attendant l’arrivée des Méraks, cinq années de pâture sont jouées permettant de visualiser la dégradation des herbages ;  (iii) arrivée des éleveurs Mérak et jeu d’une partie avec deux groupes mixtes de 6 éleveurs chacun, discussion de la dynamique de dégradation de la ressource ; (iv) nouvelle session de jeu avec tous les éleveurs (6 Radhips et 6 Méraks) ensemble et libre communication entre eux, l’intérêt d’une coordination entre acteurs pour la conservation de la ressource est visualisé, la journée se termine par une conception commune d’un jeu modifié à utiliser le lendemain, les éleveurs proposent une grille correspondant mieux à leur représentation de l’hétérogénéité de l’espace à gérer ; (iv) deuxième journée démarrant par une restitution des parties jouées la veille, suivie par une première séance de jeu dans laquelle les Radhips et les Méraks jouèrent séparément, un épuisement de la ressource fut rapidement simulé tandis que les stratégies contrastées des deux groupes s’exprimèrent : les Méraks jouèrent en vrais éleveurs tandis que les Rhadips tentèrent d’occuper l’espace, une discussion sur les options possibles pour la gestion des pâturages suivit et la mise en défends d’une partie des herbages acceptée; (v) une dernière partie du jeu prit place en mode collectif (cf. photo ci-dessus), avec communication entre types d’éleveurs et mise en défends chaque année de parcelles sélectionnées pour régénération de l’herbage, une gestion plus durable de la ressource fut ainsi simulée ; (vi) Le troisième et dernier jour commença par des interviews individuels des différents joueurs afin d’évaluer leur intérêt pour le jeu, son rapport à la réalité, ses améliorations possibles, etc. Puis le modélisateur montra la partie jouée la veille simulée CORMAS (voir photo ci-dessus) ; (vii) enfin une discussion plénière tenta une planification commune des tâches à accomplir afin de réhabiliter les pâturages de la Sheytimi et de stopper l’érosion des terres.

Par rapport au cas bouthanais de Lingmuteychu qui a pu se développer dans la durée, il s’agit ici de la description d’un premier temps fort, organisé dans un contexte social très tendu, mais ayant permis d’amorcer un dialogue créatif entre les parties en conflit.

Commanditaires

Renewable Natural Resources Research Center (RNR-RC) de Wengkhar, Ministère de l’agriculture

Equipe

  • C. Le Page (Cirad)
  • J. Queste (Cirad)
  • G. Trébuil (Cirad)
  • Tayan Raj Gurung (RNR-RC)
  • Purna Chettri (RNR-RC)
  • Lhab Dorji (RNR-RC)